« Gaud-Louis de Ravenel, intendant de Suffren aux Indes » par Daniel Lesguillier

Le 24 novembre 2011,

au musée national de la Marine

Daniel Lesguillier, membre de l’association,

nous a fait connaître, Siméon Ravenel et son fils Gaud-Louis.

SIMEON RAVENEL, le père de Gaud-Louis

Siméon Ravenel est né à Saint-Barthélémy le 21° jour de mai 1724, et baptisé le 29 du même mois. Chirurgien navigant, il commence à bord des navires de pêche à Terre-Neuve en 1743, puis lors des guerre de Sept Ans, devient lieutenant de corsaire sur des bâtiments dont Le Conquérant de Granville armé spécialement pour la course. Marié à Olive Le Rossignol à Granville, il donne naissance en décembre 1747 à son premier fils Gaud-Louis qu’il forme à la mer à ses 17 ans. Ce fils recevra la meilleure expérience qu’un jeune marin puisse recevoir. Il devient capitaine marchand, puis capitaine de corsaire sur le Groignard, puis à Bordeaux
sur L’Entreprenant de Marseille où il fait une prise d’une frégate anglaise de 24 canons. Elle lui vaut un grade de lieutenant de frégate dans la Marine du Roi. Il devient, en 1761, armateur pour la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon et dispose de la première concession pour installer son  » chaffaud  » et son équipage de pêche à la morue sèche.
Victime d’une mauvaise fortune, il prend en 1767 le service du Roi en officier bleu, pour transporter des Acadiens en France et passe entièrement dans la Marine. A bord de la frégate L’Enjouée, en lieutenant, il participe à une expédition scientifique pour tester les horloges de Mr Le Roy avec J. D. Cassini de l’Académie des Sciences.
Estimé par le ministre, Siméon reçoit le commandement d’un aviso L’Expérience pour 7 mois dans les eaux de Terre-Neuve et de Saint Domingue. Il est promu capitaine de brûlot, le plus haut grade possible dans la Marine pour un roturier issu du commerce.
Toujours avec ce bâtiment du Roi, il reçoit mission de se mettre au service d’un armateur privé, Davis et Cie, pour effectuer le commerce triangulaire – la traite des noirs- en transportant les effets du Roi destinés aux forts royaux de Gorée et de Juda en Afrique del’Ouest.
Pari de Rochefort, il se trouve à Juda en mauvaise santé et décède sur place en décembre 1771, laissant à son seul fils de 24 ans, enseigne de vaisseau, la subsistance de sa nombreuse famille granvillaise. Sa veuve lui survivra jusqu’en 1814, soit 43 ans.
Ainsi s’achèvent la vie et la carrière maritime de Siméon Ravenel, après vingt-huit années de vie maritime, civile et militaire. Son parcours d’homme de mer a été très honorable et très représentatif de la vie dure des marins de ce siècle. Ainsi l’ainé de la famille, ce fils Gaud-Louis, qu’il a formé à la mer, honorera plus tard cette famille granvillaise par sa rigueur, sa probité et sa fidélité au Roi et à la Patrie.

GAUD-LOUIS de RAVENEL
(1747-1824)
Gaud-Louis Ravenel est né à Granville le 16 septembre 1747. Après une enfance dans la (haute) ville, il embarque, avec son père, à 17 ans pour effectuer les approvisionnements et transports pour le Roi vers Saint-Pierre-et-Miquelon, Terre-Neuve et Québec.
Après dix ans de navigations dures vers le Canada et l’Afrique, Gaud-Louis Ravenel part à 30 ans, en 1777, pour la Campagne des Indes pour la défense de nos comptoirs. Il est rapidement dans l’état-major de Suffren en tant qu’intendant chargé du détail de l’escadre (c’està dire acheteur, administrateur et trésorier), mais aussi chef de la première batterie dans les cinq combats menés par l’escadre de 18 bateaux contre les Anglais. Suffren le décorera de la Croix de Saint Louis, après avoir été blessé grièvement à l’épaule au combat de Goudelour (côte ouest de l’Inde).
Il passera ensuite trois ans à Versailles pour présenter les comptes de la Campagne des Indes au ministre de la Marine, le maréchal de Castries qui le félicite de sa tâche. Il sera nommé capitaine de vaisseau et anobli par Louis XVI. Il peut s’appeler Comte de Ravenel, mais n’utilisera que peu ce titre par la suite.
Il se marie à Paris en 1786 à Thérèse Besson et Sophie Besson et Sophie viendra à naître en 1789.
Capitaine de port à Port-Louis pendant dis ans à l’époque révolutionnaire, il côtoie les capitaines de corsaires et ceux de la traite (Ile de France, aujourd’hui Île Maurice). Soumis à des faits contraires à son éthique, et ne pouvant y remédier, il demande à retourner en service à la mer. Il est alors le commandant des frégates La Preneuse, puis La Forte en croisière dans l’archipel des Mascareignes et à Madagascar. Gaud-Louis devra faire face à une grave mutinerie dont il maîtrisera la situation et sera de nouveau félicité par le gouverneur et l’amiral Sercey. A Java, il remplace le consul et reçoit les pleins pouvoirs pour négocier les accords  » défense contre nourriture  » et protéger nos alliés hollandais contre l’Angleterre.
Revenu difficilement à Port-Louis (île de France) en sauvant in-extrémis son bateau et son équipage malade, il rentre au Port-Louis désenchanté. Il décide alors de se retirer du service actif en 1798, car il a été déjugé injustement dans les accords convenus avec les alliés hollandais. Député à l’Assemblée Coloniale en 1800, il est président du jury militaire du capitaine l’Hermitte qui a perdu le frégate La Preneuse dans la Baie du Tombeau, après une campagne glorieuse.
Sa fille épouse le Général d’Empire Vandermaesen, commandant en chef des troupes terrestre à l’île de France sous le capitaine-général Decaen, lui-même, témoin de son mariage. Ils auront quatre enfants. Il signera la capitulation. Gaud-Louis aura encore combattu l’Anglais, mais cette fois à pied, comme commandant de la Garde Nationnale, avant la prise de l’île en 1810.
Il se retire au Flacq, au sud-est de l’île Maurice, planteur de girofles et de muscades et notable connu.
Napoléon pense à lui pendant les cent-jours. Il se remarie en 1818, à l’âge de 71 ans avec Claire Guyon Etiennette Jubin de Kervily, elle-même âgée de 35 ans.
Victime, il ne recevra aucuns appointements, ni pension depuis 1798. Il aurait voulu être promu contre-amiral, et finalement sera oublié de l’Histoire Maritime. Il est enterré au cimetière de St Julien et sur sa tombe a été inscrit la phrase de Suffren prononcée lors d’un discours à l’île de France :
« Si j’ai eu des succès dans l’Inde, c’est grâce à Ravenel »
Ayant préservé sa réputation d’  » Incorruptible  » et celle d’un homme droit et fidèle, le Comte de Ravenel force notre jugement et notre admiration.
Une cérémonie officielle avec la Marine nationale a eu lieu au cimetière de St Julien, à l’île Maurice, en octobre 1997 sur sa tombe rénovée en présence de la Marine, des autorités françaises et mauriciennes. Après l’île Maurice, la ville de Granville tient à lui témoigner, ainsi qu’à son père Siméon, son estime et son respect.